Catégories

Le moteur de la Citroën SM

Le moteur de la Citroën SM

Publié le : 12 juin 2020

 La génèse de la SM.

Citroën avait déjà commercialisé un moteur 6 cylindres (en ligne)  sur son modèle Traction 15 Six, mais ce moteur a disparu avec l’arrivée de la DS. Pour cette dernière , Citroën avait imaginé un moderne 6 cylindres à plat qui ne verra jamais le jour.

Pour le cahier des charges de la “super DS” que Citroën envisageait de produire en cette fin des années 60, deux grandes lignes se dégageaient de l’expérience de la DS : La première, est que le public attendait  des motorisations toujours plus puissantes, et la deuxième, que le succès du système de suspension hydro-pneumatique à haute pression rendait évidente son utilisation dans la nouvelle voiture.

Bien que la DS offrait toujours plus de puissance d’année en année avec notamment, l’arrivée d’un  nouveau moteur 5 paliers en 1965, ce n’était jamais qu’un 4 cylindres. Dans sa version 2.1l injection, ce moteur était pourtant performant pour l’époque (125ch) , mais la DS qui en était équipée, se faisait parfois dépasser sur l’autoroute par des voitures plus sportives.

Dans cette fin des années 60,  chez Citroen, après l'absorption de Panhard, le bureau d’études avait fort à  faire avec le problème du comblement du trou béant qui existait dans la gamme entre l’Ami6 et la DS. Au niveau directorial, Citroën avait tenté un rapprochement avec Fiat sans succès.

En dépit de tous ces avatars, le projet de cette « super DS » qui était finalement un coupé, progressait rapidement et avec détermination. Cette rapidité de développement pourrait être expliquée par le fait que Citroën absorba Maserati en 1968, et que la SM fut commercialisée en aout 1970. Ce qui est un réel tour de force technique.

 L’aubaine Maserati

Il serait faux de dire que le rachat de Maserati était dicté par le besoin d’obtenir rapidement des moyens d’études pour le moteur de la future SM. Cela faisait partie du plan d’expansion industrielle mis en application dans cette décennie par la direction de Citroën et d’une volonté  de rapprochement avec l’industrie automobile italienne, qui pourtant, échoua précédemment avec Fiat.

On ne peut nier le fait que Maserati était pour Citroën, un superbe département de conception et de développement de prototypes, pas seulement pour la SM , mais éventuellement pour d’autres projets. Le potentiel du petit constructeur italien  a été démontré dans la conception du moteur pour la SM.

Maserati possédait déjà dans sa gamme un  moteur V8 4136cm3 monté sur les Maserati Ghibli, qui découlait lui-même de la lignée des célèbres 6 cylindres en ligne.

Il y avait plusieurs raisons qui rendaient impossible, l’adaptation du V8 dans la SM. Notamment son implantation en position centrale avant,  qui garantissait un équilibre idéal au niveau de la tenue de route comme dans la DS. Le V8 était trop long et aurait débordé de façon importante dans l’habitacle. L’encombrement d’un V6 convenait tout à fait pour l’architecture de la SM, mais à la condition de choisir une architecture similaire à un V 8, avec une ouverture à 90°. En effet, un V6 à ouverture conventionnelle de 60°, par conséquent plus haut qu’un V6 à 90°, aurait été difficile à  loger sous le capot très profilé de la SM,

L’autre raison était la taxation punitive de l’automobile en France ( sévissant toujours de nos jours ..) qui condamnait toute motorisation supérieure à 2.8l  (15cv fiscaux). La cylindrée du V6  limitée à 2670 cm3, respectait ce critère fiscal.

Citroën mit la pression au bureau d’études Maserati pour réaliser ce moteur en 6 mois. Ce dernier réussit le pari avec succès. Un premier prototype de bloc V8 amputé de deux cylindres, avec un vilebrequin taillé dans la masse fut essayé au banc avec  plusieurs types d’arbres à cames. La meilleure version développait 200ch. Ce qui était largement plus que les 150Ch du cahier des charges de Citroën .

Les prototypes suivants, plus aboutis, (fonderie du bloc et vilebrequin) furent installés dans une DS qui sera utilisée comme « mulet » pour les essais routiers.

 

Une architecture adaptée à la SM

Cette architecture de V6 à 90° même si elle engendre une irrégularité d’allumage sur un tour, est régulière sur deux tours. Elle sera validée. (Le V6 PRV aura d’ailleurs le même principe).. Même si le moteur de la SM perd en moelleux par rapport au V8  des Maserati Indy et Ghibli, il reste un V6 performant.

Son bloc et sa culasse entièrement en aluminium permettaient de limiter le poids sur le train avant de la SM.

La distribution était assurée par un arbre intermédiaire au centre du V, entrainé par chaine à l’avant du moteur. Cet arbre intermédiaire entrainait ensuite les deux arbres à cames de chaque banc de cylindres au moyen d’une chaine. (Une chaine par banc de cylindres). Un des avantages de ce système complexe était de limiter la longueur totale du moteur lui donnant ainsi une bonne compacité,idéale pour l’architecture de la SM. Cet arbre intermédiaire servait aussi pour l’entrainement de la pompe à eau et de l’allumeur, et de la pompe hydraulique haute pression de la suspension.

 L’alimentation était confiée à 3 carburateurs double corps verticaux,Weber 42 DCNF2. Avec un taux de compression de 9 :1 , ce moteur sortait 170ch à 5500 tours/min, avec un couple de  23,5 mkg à 4 000 tr/min.

En ce qui concerne la transmission, le choix se porta sur  une architecture boite/pont qui permit un gain de place et une bonne répartition des masses, de part et d’autre de l’essieu avant. Ce principe fut déjà utilisé sur la mythique Traction 15 six (ci-dessous):

Le principe de la Traction sera utilisé sur la DS et puis sur la SM :

 (http://www.citroenorigins.fr) :

Le moteur et l’embrayage sont à droite sur la vue ci-dessus, et le mouvement est transmis à l’arbre primaire via un arbre cannelé passant au-dessus du différentiel. Les arbres primaire et secondaire ainsi que la fourchetterie sont à gauche de l’essieu sur cette même vue. Le mouvement est transmis de l’arbre secondaire à la couronne de différentiel par l’intermédiaire d’un couple conique.

La SM était équipée d’un des moteurs les plus coupleux jamais monté dans une Citroën de série. Le V6 de la SM délivrait comme on l’a vu, un couple de 23.5 m.kg ce qui est nettement au-dessus de celui de la DS 23 (+24%).

C’est grâce à la structure de la boite de la DS, et surtout à l’entraxe de l’arbre primaire et secondaire de cette dernière, qu’il fut possible de la réutiliser sur la SM avec toutefois quelques modifications.

L’entraxe a une importance capitale car il conditionne l’épaisseur des dents des pignons (le module). Voici une comparaison d’un engrènement de pignons de première 11x37 (classique) à entraxe de 65mm avec un engrènement à entraxe de 70mm:

Les deux vues sont exactement à la même échelle. La différence d’épaisseur des dents n’est pas flagrante. Pourtant, la denture ayant un entraxe de 70mm peut passer 17 % de couple en plus que celle ayant un entraxe de 65mm pour la même largeur. Ces 5 petits millimètres correspondent grossièrement au passage d’un moteur 1,6l à 1,9l atmosphérique.

Dans le cas de la DS, les carters avaient été conçus avec un entraxe important par rapport aux voitures de la même catégorie (notamment à cause de la présence du différentiel). Et c’est ainsi, qu’il fut possible d’extrapoler la boite de la SM à partir de celle de la DS.

Pour l’anecdote, le principe de la boite de la SM fut appliqué  10 ans plus tard sur la Peugeot  205 turbo16:

 

L’architecture de la boite de SM, se prêtait merveilleusement bien à la disposition centrale arrière du moteur et aux renvois de mouvement vers l’avant et l’arrière de la voiture. Seul le carter de fourchetterie fut réutilisé sur cette « mythique » championne de rallyes.

Mais revenons à la SM .

 

Le développement

Ce moteur eut un développement limité sur la SM, principalement en raison de la courte durée de production de ce modèle. Mais, au début des années 70, Citroën construisit un prototype de SM raccourcie, élargie et rabaissée afin de tester différentes solutions techniques sur une traction avant dotée de motorisations très puissantes . Ce proto sera équipé d’une version du V6 poussée à 380 ch. (Aujourd'hui, cet exemplaire unique est toujours conservé par Citroën)

En 1973, les normes anti-pollution sévissaient déjà, et Citroën dut abandonner les carburateurs pour passer à un système d’injection indirecte D-Jetronic. La puissance augmentera au passage, à 178 ch DIN (à 5 500 tr/min), le couple à 23,7 mkg (à 4 000 tr/min)  La souplesse sera améliorée mais pas la consommation .

En 1974, la SM devient  disponible en version automatique avec une boîte Borg Warner à 3 rapports . Afin de compenser la perte de puissance à la roue due au rendement du convertisseur de couple, Citroën décide de créer une version plus puissante du V6. ¨Pour cela, la cylindrée sera augmentée à 2965cm3 (soit quasiment  3L)  et l’alimentation toujours sera confiée à trois carburateurs double corps. Ainsi la puissance atteindra développant 180 ch DIN à 5 720 tr/min (25 mkg pour le  couple à 4 000 tr/min).  Quelques SM seront également exportées aux États-Unis et au Canada en version 3 litres avec une boîte de vitesses manuelle.

 

Sous d’autres capots...

Maserati utilisera le moteur de la SM 3 litres, en 1972, dans une version gonflée à 190ch DIN pour le placer dans sa nouvelle Merak , en position longitudinale arrière, la transmission s’effectuant  évidemment sur les roues arrières.

Le constructeur Ligier utilisera également le moteur de la SM pour équiper la JS2, avec également un positionnement central arrière, en version 2.7 l puis 3.0l jusqu’à son arrêt de fabrication en 1975.

La fin

En dépit d’une consommation raisonnable pour sa catégorie, les deux chocs pétroliers de 1973 et 1975, les limitations de vitesse, mettront malheureusement un terme à la carrière de la SM. Après la faillite de Citroën en 1974, Peugeot vendra Maserati à De Tomaso en mai 1975. Il n'y aura alors plus aucune possibilité de produire la SM.  Un total de 12 920 voitures auront été produites de 1970 à 1975.

En revanche, le moteur de la SM survivra à l’arrêt de production de cette dernière, puisque Maserati le montera sur la Merak avec un accroissement de puissance (220 ch) mais plus tard avec une puissance diminuée à  208 ch à cause des normes anti-pollution. La production du V6 de la SM 3.0 litres continuera, en parallèle avec une version ramenée à 2.0 litres en Italie pour raison fiscale (170 ch) , jusqu’en 1983 année de la fin de fabrication de la Merak.

 

Aujourd’hui

Afin de satisfaire les nombreux collectionneurs de ce modèle mythique de Citroën, Embiellage Collector propose dans son catalogue, les coussinets de bielle et de palier en cote standard, ainsi que dans toutes les cotes de réparation disponibles à l’époque, pour la réfection de ce fabuleux moteur ! Un spécialiste de la SM, de renommée mondiale comme la société SM2A, est déjà notre partenaire.

En ce qui concerne la transmission de la SM, n’hésitez pas à contacter Involute Transmissions, société spécialisée dans la re-conception et la re-fabrication de pièces de transmissions pour véhicules anciens.

(Nous remercions Involute Transmissions pour la partie de ce texte concernant la transmission)

Cyril SOUTHAREWSKY