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LE MOTEUR AQUILON

LE MOTEUR AQUILON

Publié le : 6 juillet 2021

LE MOTEUR V8 « AQUILON »

Ce vénérable moteur qui fut surtout connu en France par sa présence sous le capot des SIMCA haut de gamme des années 50, nous vient directement des états unis. Son nom, issu de la mythologie romaine, désigne un violent vent du nord.

Origines et débuts chez MATFORD.

Déjà présent en France avant la guerre, il équipait les MATFORD (marque née de l’association de MATHIS et de FORD France). Les origines de ce moteur remontent à 1932. Ce moteur V8 était conçu sur le modèle des autres V8 américains de l’époque : V à 90°, soupapes latérales commandées par un seul arbre à cames en position centrale au milieu du bloc. D’une cylindrée de 3621 cm3 (77,8 x 95,2 mm), il développait 90ch (21cv selon la fiscalité française de l’époque). En 1935, une version à puissance fiscale réduite (13cv) de 2225cm3 de cylindrée (66 x 81,3mm) fut commercialisée (60ch réels).

Aux USA, Ford développa pour sa filiale Mercury une version plus étoffée de 3.923 cm3 par augmentation de l'alésage. Ce moteur de 22cv fiscaux en développait 90 réels. Ford US équipera également des camions avec cette version. L’effort de guerre de l’industrie américaine sur l’armement réduira fortement la production des automobiles particulières.

 

FORD SAF

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, Ford chercha à se développer en Europe en créant de nombreuses filiales : Ford France, Ford Grande Bretagne et Ford Allemagne. En 1946, l’usine Ford France de Poissy démarre la production de la Ford F472 qui est en réalité une version modernisée de la MATFORD de 1939 (à moteur V8 en version 2225cm3), au niveau de certains points comme le freinage, les trains roulants et des détails de finition. La même voiture mais équipée du moteur V8 en version 3.923cm3 prendra le nom de F998.La production de ces modèles restera très restreinte (7293 exemplaires) durant 2 ans en raison des grandes difficultés économiques de la France dans l’immédiat après-guerre.

                                                              

La Vedette

Ford France qui cherchait à produire un modèle réellement plus moderne que l’ancienne MATFORD, fit part de ses recherches à la maison mère aux USA. Les français furent fortement intéressés par le projet classé sans suite, d’un modèle de dimensions raisonnables, destiné au marché américain de l’après-guerre et équipé de ce fameux V8. Les américains virent ainsi le moyen de récupérer les investissements consentis en vendant les études et les plans du projet à la filiale française. La Ford Vedette fut donc rapidement mise au point par les ingénieurs français et le modèle 1949 sortira équipé d’une version à cylindrée réduite du V8, élaborée dans les bureaux d’études de Poissy. Cette version de  2158cm3, développait 60ch à 4000trs. Cette réduction de la cylindrée était toujours destinée à réduire la constante pression fiscale (12cv) de l’état français, qui sera un réel frein pour le développement de gros moteurs dans l’industrie automobile française des années 50. La Vedette sera la seule voiture française de série équipée d'un moteur V8 avec un prix concurrentiel par rapport à ses rivales, Hotchkiss 13 cv ou Salmson S 4-E  qui ont des 4 ou 6 cylindres de conception datant des années 30. Seule la  Citroën Traction 15 Six sera mieux placée en prix.

Pour l’année modèle 1950, quelques modifications sur le moteur permettront d’en augmenter la puissance à 66ch à 4600trs (Nouvel arbre à cames, nouvelles soupapes, rapport volumétrique passant à 7/1) .D’autres modifications interviendront sur la structure au niveau du châssis et de la fixation de la carrosserie.

En 1952, sur les modèles Comète, (qui sont des versions coupé de la Vedette) la puissance sera haussée à 68 puis 74Ch en augmentant la compression et le régime

1953 : Nouvel embiellage

En 1953, d’importantes modifications seront réalisées cette année-là. Afin de redonner une impulsion aux ventes, l’esthétique des Vedette sera améliorée par l’adoption d’un pare-brise  en une seule partie, et l’arrière sera profondément modifié avec un coffre allongé lui donnant un style 3 volumes beaucoup plus moderne. Au niveau de la mécanique la Vedette (berline) adopte le moteur 68ch de la Comète (coupé) et la Comète voit sa cylindrée étoffée à 2.355 (67,9 x 81,3 13cv) par augmentation de l’alésage, avec une puissance de 80ch à 4.800 tr/mn. Au niveau de l’embiellage, huit  nouveaux coussinets de bielle plus modernes seront adoptés en remplacement du couteux système de 4 coussinets à collerettes à montage flottant pour bielles couplées. En rapport avec l’augmentation de puissance, le système de refroidissement sera optimisé ainsi que le volume d’eau.
Cette même année, une version du V8 portée à 3.9L de 95ch SAE sera montée ,

Fin 1953, Ford lance un modèle haut de gamme de la Vedette qui prendra le nom de « Vendôme ». Sur ce modèle,  le V8 (tout en conservant son embiellage modernisé) retrouve une cylindrée de 3.923 cm3 (80,9 x 95,2) et développe 95ch à 3.700 tr/mn avec un rapport volumétrique de 6.7. La puissance fiscale montera à 22CV et le moteur sera dénommé Mistral. Sur la version coupé, dont le nom sera « Monte-Carlo » et dont la carrosserie sera conçue et fabriquée par FACEL,  le rapport volumétrique augmenté à 7.2 /1  permettra de sortir une puissance de 105ch.

En septembre 1954, FORD SAF, présentera un tout nouveau modèle de « Vedette » conçu par FORD US pour sa filiale française. La gamme sera déclinée en Trianon, Versailles, Régence. Un break nommé Marly sera également présenté.

 

L’ère SIMCA

Du fait de leur positionnement haut de gamme sur le marché automobile français de l’époque, et pénalisées par leur puissance fiscale, les Vedette sont, dès leur lancement, produites à faible cadence (moins de  20 000 exemplaires par an), ce qui est bien en dessous des capacités de production de l’usine de Poissy.

Par conséquent, Ford France, en difficulté, et sans autre modèle plus économique (à 4 cylindres par exemple), doit trouver une solution pour sa survie.

                                   

Il est décidé de vendre l’activité de production à SIMCA. Ce constructeur, implanté à Nanterre dans une usine désormais trop étriquée pour assurer les volumes de production toujours  croissants de ses modèles Aronde, voit là une occasion rêvée de faire un pas de géant dans les capacités de production, et d’étoffer sa gamme à bon compte vers le haut.

SIMCA rachètera donc l’usine de Poissy en 1954, et FORD France deviendra un importateur se fournissant dans les autres filiales anglaises, allemandes, et à la maison mère américaine.  Dès le mois de décembre 1954, tous ces nouveaux modèles Trianon, Versailles, Régence. et Marly garderont leur nom mais seront siglés SIMCA.

                                                                                       

Alors que le fameux V8 a disparu de la production aux USA en 1954, il reprend toujours  du service dans la nouvelle gamme appartenant désormais à SIMCA. Mais les ingénieurs français, lui apporteront quelques modifications au niveau des pistons, d’un dispositif permettant le réglage du jeu au niveau des queues de soupapes, et une nouvelle cylindrée de 2351cm3 (13cv fiscaux) obtenue par réduction de l’alésage et l’augmentation de la course (66,1 x 85,7). Avec notamment un taux de compression de 7,2/1, la puissance produite est de  80ch à 4.400 tr/mn (couple : 15.2 mkg à 2200trs/min).

En 1957,  afin de redonner un peu de tonus à peu de frais à ce moteur, le rapport volumétrique sera porté à  7,5/1 et la puissance grimpera à 84ch à 4800 t/min (couple 15,5 m.kg à 2750 trs/min). Ce fameux moteur V8 sera produit jusqu’en 1961 sans autres modifications majeures. La fin de la carrière des SIMCA dites Vedette mettra un terme à sa production en France. Mais cet antique moteur V8 à soupapes latérales, reprendra du service en Amérique du sud, grâce à la création de la filiale brésilienne de SIMCA :  SIMCA DO BRASIL

                                                                                           

SIMCA DO BRASIL

Cette filiale crée début 58 a d'abord importé des kits CKD des Simca à moteur V8 produits par l'usine française Simca à Poissy. Une usine fut construite à São Bernardo do Campo dans l'État de São Paulo. Les premières Chambord assemblées sortirent en 1959. Mais les difficultés étaient énormes, et  surtout en partie dues au manque de formation des ouvriers. Les retards de production s’accumulaient ainsi que des problèmes de qualité. La filiale brésilienne importa ensuite tous les moyens de production de France à l’arrêt de la gamme V8 à Poissy. Une équipe d’ingénieurs français dirigée par M. Pasteur, fut dépêchée sur place, et dès 1961 l’ensemble de la production des Chambord était assuré à 98% avec des éléments produits localement.

Le moteur des premières SIMCA Chambord brésiliennes fut donc le 2.351 cm3 de 84ch des versions françaises. M Pasteur conscient du déficit de puissance de ce moteur cherchera constamment des améliorations. Ainsi peu après le démarrage de la production, une amélioration fut apportée sur les moteurs équipant le modèle haut de gamme « Présidence ». Grâce à deux carburateurs, et un collecteur d’échappement modifié, la puissance grimpait à 90ch.

En 1962, sur la série « Trois Hirondelles » (en français) d’autres modifications (nouveaux segments et pompe à eau redimensionnée) accompagnèrent une augmentation de puissance à 92ch. Toujours la même année, fut présentée la version Rallye Spéciale avec des prises d’air additionnelles sur le capot. Le moteur voyait sa cylindrée augmentée à 2462cm 3. Avec un rapport volumétrique de 7.72 :1 la puissance atteignait les 100ch.

En 1963, la gamme se décline comme ainsi ; La version Chambord avec 95ch, Janganda 98ch, Présidence et Rallye 105ch avec des culasses retouchées au niveau des chambres de combustion.  

La boite de vitesses entièrement synchronisée fut également au programme de cette année-là.

En 1964 la carrosserie fera l’objet d’une  modernisation très réussie au niveau du pavillon et de la lunette arrière. En ce qui concerne, les moteurs, une nouvelle cylindrée de 2414cm3 sera adoptée et le moteur prendra la dénomination de Typhoon. Sur les Chambord, le rapport volumétrique passera à 8 :1 et le montage du système à double échappement des Rallyes et Présidence fera monter la puissance à 100ch.

Simultanément, sur les Rallye et Présidence, apparaitra l’évolution « Super Typhoon ». Equipé d’un carburateur double corps et  avec un rapport  volumétrique de 8.5 : 1, ce moteur développait 122ch. SIMCA, adopta également l’allumage transistorisé Ducellier.

 

Nouvelles culasses

Le vénérable Aquilon n’avait pas encore dit son dernier mot. L’évolution la plus spectaculaire apportée par SIMCA,  concernera les culassesAu cours d’un séjour en France, M. Pasteur, toujours lui, découvrit chez le préparateur Pierre Ferry, un lot de jeux de culasses à soupapes en tête et chambres de combustion hémisphériques développées par un ingénieur belge d’origine russe (naturalisé américain) : Zora Arkus-Duntov. Ces culasses en aluminium étaient destinées à l’amélioration du moteur Ford  V8 60 (très proche du V8 de la Chambord). La solution Duntov fut revisitée par le bureau d’études SIMCA France et la fabrication fut ensuite organisée au Brésil.

Avec de telles culasses et bénéficiant d’une cylindrée majorée à 2432cm3, la puissance grimpera à 140ch ! Mais ce V8 à 3 paliers atteignait là, une limite dans son développement et la fiabilité en souffrit. SIMCA corrigera le problème en adoptant un vilebrequin renforcé. En option, une modification de la boite permettra de monter un surmultiplicateur permettant de doubler le nombre de rapports (3 courtes, 3 longues). Le passage d’une gamme de rapports à l’autre s’effectuait par commande électrique au tableau de bord. Equipée de ce V8 en bout d’évolution et de cette boite «à 6 rapports», la SIMCA Chambord pouvait bloquer son compteur à 180km/h !

Au gré des niveaux d’équipement, la gamme s’étoffa comme nous l’avons vu, en différents  modèles : Alvorada, Présidence, Rallye. La production totale des SIMCA V8 montera à 42910 exemplaires jusqu’en 1966. La version break, appelée Jangada, était une copie de la version française Marly mais avec les ailes arrières modernisées dans le style de la berline

Une fin de carrière tranquille

En 1966, SIMCA Do Brasil fit une refonte totale de la carrosserie à l’avant et à l’arrière. Seule la cellule centrale fut inchangée. La voiture perdit en charme ce qu’elle  gagna en modernité. A cette occasion, les nouveaux modèles prirent le nom de SIMCA Esplanada. En 1967, un monogramme «  produit par Chrysler » apparut à l’arrière en conséquence du rachat total de SIMCA par la firme américaine. Chrysler  imposa un  certain nombre de modifications mécaniques dans le but d’améliorer la fiabilité. En conséquence, la puissance fut réduite à 130 chevaux. Quelques changements esthétiques furent appliqués au niveau des phares, de la calandre et des feux arrière. En 1968, la gamme s’étoffa avec une version simplifiée : la Régente, et une version sportive, la GTX. Mais la concurrence féroce de Ford avec son modèle Galaxie au Brésil, sonnera la fin de la production des SIMCA Esplanada en 1969. Afin de lutter plus efficacement contre Ford, Chrysler décida en effet d’introduire la Dodge DART plus moderne et plus spacieuse.

Ainsi se termina la carrière singulière de ce moteur né Ford, devenu Simca, puis brièvement Chrysler.

Aujourd’hui

Pour les amoureux du son si particulier de ce V8, Embiellage-Collector propose des coussinets de bielles et de palier (pour les modèles Ford Vedette de 1953 aux derniers modèles SIMCA Chambord de 1961), en cote STD, 0.010  0.020  et 0.030.  Les cales latérales sont également disponibles. Venez les découvrir sur notre site !

 Cyril Southarewsky